Preface

4 Alice: Magical Girls Autistes
Posted originally on the SquidgeWorld Archive at http://squidgeworld.org/works/60164.

Rating:
Mature
Archive Warning:
Graphic Depictions Of Violence
Category:
Gen
Fandoms:
Original Work, Autistic Magical Girls [MiaQc Stories], MiaQc Stories - All Fandom Types
Relationships:
Original Female Character(s) & Original Female Character(s), Original Female Character(s) & Original Non-Human Character(s), Alice Blondinka & Alice Brown & Alice Lorange & Alice Kurosawa [MiaQc OC], Alice Lorange | Magical Aella & Trace Heather [MiaQc OC], Alice Blondinka | Magical Dayla & Trace Lisa [MiaQc OC], Alice Brown | Magical Petra & Trace Jennifer [MiaQc OC], Alice Kurosawa | Magical Calida & Trace Aya [MiaQc OC]
Characters:
Original Female Character(s), Original Non-Human Character(s), Original Human Character(s), Original Female Human Character(s), Original Female Character(s) of Color, Alice Lorange | Magical Aella [MiaQc OC], Alice Blondinka | Alice D | Magical Dayla [MiaQc OC], Alice Brown | Magical Petra [MiaQc OC], Alice Kurosawa | Magical Calida [MiaQc OC], Ethel [MiaQc OC], Trace (Generic) [MiaQc OC], Trace Heather [MiaQc OC], Trace Aya [MiaQc OC], Other Character(s), Original Magical Girl Character(s), Trace Lisa | Trace Rosa [MiaQc OC], Trace Jennifer | Trace Elise [MiaQc OC]
Additional Tags:
Name Changes, Autism Spectrum, Autism, Female Protagonist, POV First Person, French Character(s), Japanese Character(s), Black Character(s), Past Rape/Non-con, Psychological Horror, Original Universe, Elemental Magic, Sharing A Body, Telepathy, Foreign Language, Fantasy, Friendship, Haunted Houses, Sailor Moon Influence/References, Word count: Over 10.000, Word count: 10.000-30.000, Québec, Rape/Non-Con Elements, Same First Name, Sharing First Names, Original Female Character(s) - Freeform, Mythical Beings & Creatures, Audio Format: Streaming, Embedded Audio, Audio Content, Cover Art, American Character(s), Russian Character(s), Cross-Posted from AO3, Betaed – No, Autistic Character(s), POV Autistic Character, Magical Girl, POV Alice Lorange | Magical Aella [MiaQc OC], Translation Available, Autistic Author
Language:
French (Français)
Stats:
Published: 2021-11-06 Words: 12,375 Chapters: 7/7

4 Alice: Magical Girls Autistes

Summary

Alice Lorange est une adolescente autiste. Sa vie est difficile. Elle se sent dépassée à l’école. Sa mère se dispute souvent avec elle pour des raisons insipides. Après avoir fait un cauchemar démentiel, Alice se retrouve dans une mystérieuse maison.
Il n’y a pas de scène d’agression dans cette histoire, juste une mention.

Chaos à l’école et à la maison

Je regarde par terre. Je vois mon jean bleu. Je regarde mes pieds. Ils portent des chaussures à lacets de type sportif. Mes pieds avancent. Un et deux et trois et quatre...

Je lève la tête, pour regarder devant moi, mais je prends le temps de regarder mon manteau noir. Il dissimule mon chandail vert à manches longues. Je n’ai jamais aimé le noir, mais je ne me plains pas. C’est trop de soucis..., pensé-je, avec les Autres. Devant moi, il y a des immeubles. Au-dessus, le ciel, le soleil, les nuages... Ce serait bien d’être un nuage. Un nuage, ça ne ressent rien. Un nuage a une vie simple.

Petit à petit, je m’éloigne de la Réalité. NON !  Je secoue ma tête vivement. Ressaisis-toi ! Tu dois te rendre à l’école ! Quelle heure est-il ? Je regarde rapidement ma montre digitale bon marché, aussi de couleur noire. Il est 7:45. Mes cours commencent à huit heures. Bon, j’ai encore du temps, mais je ne dois plus flâner ! Je regarde à nouveau devant moi et je continue d’avancer.

Je m’appelle Alice Lorange. Je suis une Québécoise âgée de 16 ans. Pendant que je continue de marcher vers mon école secondaire, mes cheveux roux, ondulés et s’arrêtant au mi-dos, semblent se lever au rythme de mes pas. Cela me donne l’impression d’exécuter une drôle de danse. Pourtant, je reste concentrée. Mon regard vert est fixé sur son objectif. Je dois arriver à l’école à temps.

Mon école s’appelle Saint Andora. Il y a longtemps, c’était une école religieuse, mais plus maintenant. Ma ville est Six-Luménial, connue pour ses six monuments historiques, ses spectacles de lumières et son eau minérale. Je devrais me sentir fière de rester dans une ville connue, mais cela ne me fait ni chaud ni froid. Peu importe l’endroit où je vis, les Autres sont toujours là. Pour ce qui est de ma peau, elle est très pâle avec des nuances de rose. Évidemment, j’ai des taches de rousseur. Elles ne m’ont jamais dérangée.

J’arrive à Saint Andora dix minutes plus tard. Il ne me reste que cinq minutes pour ôter mon manteau, prendre mes affaires, et aller à mon premier cours de la journée. Allez, c’est parti. Je vais au corridor ayant mon casier. Il est bondé de monde. Alors que mon cerveau me dit « danger » et qu’une pression se manifeste à ma tête, je me faufile parmi la foule d’étudiants et d’étudiantes.

J’atteins mon casier. Je range mon manteau noir et je prends mes manuels scolaires. Mathématiques. Je commence avec un cours de maths. La pression à la tête se transforme aussitôt en grande douleur. Mon cerveau me hurle « DANGER, DANGER, DANGER ! » et je dois me retenir de m’enfuir en courant.

Je me précipite vers ma classe et je vais m’asseoir à mon pupitre. Mon prof de mathématiques, Monsieur Dupuis, me dit que je n’avais pas à arriver en « un coup de vent », que je ne suis pas en retard, mais je ne l’écoute pas. J’ai trop mal.

Je dois atténuer la douleur. D’autres élèves arrivent en classe. Je ne les regarde pas. Je regarde mon pupitre. Dessus en stratifié, couleur chêne, pieds en métal. Je répète cette description mentalement, encore et encore. D’habitude, cela aide à diminuer la douleur. Dessus en stratifié, couleur chêne, pieds en métal.

Monsieur Dupuis annonce que le cours commence. Il récite sa leçon, tout en écrivant au tableau avec une craie. Je ne l’écoute pas. Dessus en stratifié, couleur chêne, pieds en métal. Je sens les regards des autres élèves sur moi, bien que leurs yeux soient tous concentrés sur le tableau noir. Dessus... en... en stra... stratifié, c... couleur ch... chêne, pieds en m... mé... métal. J’imagine leurs pensées à mon sujet. Leurs moqueries. Je n’arrive plus à me concentrer. La douleur, plutôt que de diminuer, augmente d’un cran. N... NON ! Allez... tu peux y arriver... TU PEUX TENIR LE COUP ! Dessus... en... en...

Mes yeux se mouillent et des larmes se mettent à couler le long de mes joues. ...sur... survie... Je n’y arrive pas. Je pleure à chaudes larmes. J’ai échoué. ...ma survie... Je ne parviens pas à retenir mes sanglots. Monsieur Dupuis, m’entendant, me demande si tout va bien. Je me force à le regarder, avec mes yeux bouffis, et je m’oblige à lui parler.

« Je... vais... bien... Monsieur. »

D’un ton le plus neutre possible, comme si je n’avais pas d’émotions. Le professeur insiste, mais j’essuie mes larmes et je lui dis que cela va passer. ...survie... Alors Monsieur Dupuis retourne à son cours. Je regarde mon pupitre à nouveau. Mes larmes continuent de couler. ...parmi les Autres.

À la fin du cours de maths, je retourne à mon casier. Mes yeux n’arrivent plus à produire de larmes. C’est bien, mais ma tête me fait toujours aussi mal. Si seulement je pouvais partir d’ici ! Mais attendez... je peux, non ? Techniquement, oui, je peux, mais faire l’école buissonnière, c’est contre les Règles. Les Règles, pour moi, c’est sacré. Pas question de les enfreindre. Je reste donc à l’école. Au moins, mes autres cours de l’avant-midi sont sympathiques, Sciences et Anglais langue secondaire.

Le reste de l’avant-midi s’écoule très lentement. Je n’ai rien retenu de mes autres cours. Je ne faisais que gribouiller dans mes cahiers d’exercices. Malgré la protection du tissu de mon chandail vert, ma peau s’était rapidement mise à picoter, à trembler, à « brûler ». Génial. « Ça » plus la douleur. Ma peau est hyper sensible et le papier me cause toujours des soucis. D’autres matériaux rugueux, aussi, comme le carton.

À l’heure du diner, je me rends à la cafétéria pour manger mon repas. Un simple sandwich avec un jus de légumes. Je mange seule, dans mon coin, comme à l’habitude. M’assoir près des Autres ? JAMAIS DE LA VIE ! Je ressens à peine le goût de mon maigre repas, tant mes autres sens sont agressés par ce boucan. Tous les étudiants qui jasent entre eux, le bruit des plateaux de nourriture qui se bousculent, ceux qui mangent en faisant du bruit... J’ai dû partir rapidement pour la tranquillité temporaire des corridors.

Ma tête me fait toujours aussi mal. J’attends le début des cours de l’après-midi avec impatience. Plus vite je pourrai partir d’ici, mieux ce sera ! Le corridor se remplit rapidement d’élèves. Une cacophonie de sons s’élève et j’ai l’impression d’être engloutie par une marée humaine. Je veux me boucher les oreilles, bien que je sache que ça ne va pas aider, puis je les entends soudainement. Des Voix mesquines. Des voix autant masculines que féminines. Celles des Autres.

« T’es bizarre, Alice. »

« Non, c’est une estie de folle et une cochonne ! »

« Crois-tu vraiment ça ? »

« Bien ouais ! Elle n’est pas comme nous. »

« Je ne vois pas le rapport. »

Toutes ces voix... Sont-elles réelles ou imaginaires ? Je suis incapable de le dire, mais je les entends toujours.

« ‘‘Lorange’’... quelle sorte de nom de marde est-ce ça ? »

Toutes les voix rient aux éclats. Ça me fait si mal, en plus de ma douleur cuisante à la tête. Je recommence à pleurer. Doucement, presque en silence. Personne ne me remarque.

Tout à coup, la cloche sonne. J’essuie mes larmes et, tout en tentant de me rassurer, je me dirige lentement vers ma classe puis je vois deux étudiantes. L’une a les cheveux noirs courts, en coupe concave, une peau pâle avec des nuances olive et des yeux bleus. Je ne la connais pas, mais je connais l’autre fille, à mon grand regret.

Mélane Fauchon. Une grande blonde aux yeux bruns. Elle a la peau pâle avec des nuances de rose. Elle a 17 ans et, parmi les Autres, c’est elle qui me cause le plus de problèmes et de douleurs. Je sais qu’elle parle dans mon dos, qu’elle dit des méchancetés à mon égard, comme elle l’a fait il y a six ans. Mélane m’avait humiliée devant toute la classe avec ses mots tranchants et cruels. Je n’ai jamais oublié. Cette Mélane, c’est une peste et rien d’autre ! La fille avec elle doit être une amie. Je m’éloigne d’elles rapidement, mais je parviens à entendre un prénom prononcé par Mélane, « Ethel », et je vais en classe.

Mes cours de l’après-midi passent très lentement. Je suis physiquement présente, mais mentalement, non. Ma tête fait bien trop mal et je ne veux pas pleurer en classe à nouveau. Je me mets donc à rêvasser et mon corps est en « mode automatique », comme un robot. Je m’assois à mon pupitre, j’ouvre mes cahiers, je fais semblant d’écrire dedans, le cours se termine, je vais à l’autre cours, je m’assois à mon pupitre... Quand ma journée se termine, je me dépêche de chercher mon manteau et je quitte l’école pour rentrer chez moi à pied. Plus je m’éloigne de l’établissement scolaire, plus ma douleur à la tête diminue.

Ma peau, qui « brûlait » toujours, s’apaise et ne tremble plus. Mon cerveau ne crie plus « danger ». Enfin, le calme, la paix. C’est terminé, du moins jusqu’à la journée suivante. Je soupire. Chaque jour dans la Réalité, dans ce monde, est un combat. Un monde étrange où j’ai l’impression de ne pas avoir ma place. Je n’ai pas d’amies et je n’ai jamais cherché à m’en faire. Après tout, ce sont des Autres.

Dès que j’arrive devant chez moi, ou plutôt chez mes parents, je soupire à nouveau. J'ai le mauvais pressentiment que je vais passer un mauvais moment avec Rayelle. Rayelle Lorange, c’est ma mère. Elle est rousse, comme moi, mais ses yeux sont bleus. Sa peau est comme la mienne, très pâle avec des nuances de rose. Rayelle travaille comme serveuse dans un restaurant. Je n’ai jamais pu retenir le nom de son lieu de travail.

En parlant de Rayelle, dès que j’entre à la maison, je l’entends qui m’appelle de la cuisine.

« Alice. Alice, c’est toi ? Comment s’est passée ta journée à école ? »

Je ne dis rien. Cela prend un certain temps avant de pouvoir répondre, ce qui arrive souvent quand je dois interagir avec les Autres. Rayelle n’aime pas mon silence.

« Alice ! Réponds-moi ! »

« Pardon... et c’était bien, Rayelle. »

Dire le moins de choses possible, sur un ton toujours aussi neutre. Pour la survie. J’entends la femme rousse soupirer.

« Allons. Tu n’as rien d’autre à me dire ? »

Je sens qu’elle va se mettre en colère. Je déteste ça. Sans lui répondre, j’accroche mon manteau dans la garde-robe et je me rends au petit salon, qui est près de la cuisine. Je me laisse tomber sur un fauteuil confortable. Je commence à rêvasser, à m’éloigner de la Réalité, quand j’entends des bruits de pas. Rayelle entre en trombe dans le salon.

Je ne la regarde pas, mais je sens une pression, une tension malsaine dans l’air. Ma mère me pose alors une bien étrange question.

« Pourquoi ? »

Il y a toujours un délai avant que je lui réponde.

« Pourquoi... quoi ? »

Je me lève du fauteuil.

« Pourquoi ne m’appelles-tu pas maman ? »

Je soupire. Encore cette question stupide. Combien de fois encore vais-je devoir lui répondre ? Toujours sans regarder Rayelle, je lui donne ma réponse. Celle que je lui ai toujours donnée depuis des années.

« Parce que je n’en vois pas l’utilité. Votre prénom n’est pas ‘Maman’ mais Rayelle. »

« Mais bon sang, Alice, je suis ta mère ! Tu me parles toujours comme si j’étais une étrangère. »

« Je me dois d’être polie. Vous êtes... »

« Non, pas ‘vous’, ‘tu’ ! Je suis tannée d’entendre tes ‘vous’ ! Cette politesse excessive... c'est de la folie. Est-ce SI difficile de m’appeler maman ? »

Normalement, je lui dis ‘non’ suivi de ‘Rayelle’ puis je me sauve dans ma chambre, mais cette fois-ci je vais tenter quelque chose de nouveau.

« Euh... oui. »

Rayelle reste sans voix. Malgré le fait que je sais qu’elle va exploser de rage, je continue de parler.

« C’est très difficile, car c’est illogique. Je sais que vous êtes ma mère, vous le savez aussi, alors pourquoi dire ‘maman’ ? C’est de l’énergie gaspillée pour rien. »

Comme je l’avais prédit, Rayelle explose de colère. Elle hurle et j’entends la voix de Shawn.

« Bon, quel est encore le problème avec vous deux ? »

Shawn, nom complet Shawn Mabis, est mon père. Il travaille comme électricien pour une grosse compagnie dont j’ignore le nom. Il a les cheveux bruns et les yeux de la même couleur.

Sa peau est plus foncée que celle de Rayelle et la mienne, bien qu’elle soit aussi blanche. Rayelle lui crie de ne pas s’en mêler, mais il arrive au salon. Il semble aussi en colère, bien que le ton de sa voix soit sous contrôle.

« Ça ne peut pas continuer comme ça. » Dit-il. « Nous sommes une famille... »

« ELLE N’EST PAS NORMALE. »

« ‘Pas normale ?’ Bon sang, chérie, tu parles de notre fille unique ! »

J’ai envie de m’évanouir.

« C’EST NOTRE FILLE ET ELLE N’EST PAS NORMALE ! SON COMPORTEMENT EST... »

« Quel comportement ? Qu’il y a-t-il de mal à être poli envers ses parents ? Je l’étais aussi, à son âge. »

« MAIS ELLE... ! »

« Alice a toujours été comme ça. Laisse tomber. Elle ne va pas changer. »

« TOI... ! T’AS TOUJOURS ÉTÉ DE SON BORD. »

« Bon, c’est assez. Alice, va dans ta chambre s’il te plait. »

Je n’ose pas bouger. J’ai trop la trouille.

« NON ! Elle reste ici, je n’ai pas fini ! »

Rayelle a enfin baissé d’un ton.

« Non. Alice, tu vas dans ta chambre. Ta mère et moi on doit sérieusement parler. »

« Sérieusement parler ? Parler de quoi ? »

« De notre couple ! Plus rien ne va bien entre nous ! T’es toujours en train de te disputer avec Alice pour... pour des niaiseries ! »

« Des niaiseries ? »

« Et moi j’suis pris à encaisser le tout, jour après jour ! C’est ridicule. »

Rayelle se remet à hurler. Shawn lui crie en retour. Je prends mon courage à deux mains et je m’enfuis vers ma chambre. Même après avoir fermé la porte derrière moi, et allumé la lumière de ma chambre, j’entends toujours mes parents se disputer. Si ça continue, ils vont se séparer..., pensé-je, et ça va être ma faute. Je me retiens de pleurer. C’est pas juste ! Pourquoi tout doit être compliqué avec les Autres ? Pourquoi Rayelle et Shawn sont-ils des Autres ? S’ils étaient comme moi... Je ferme les yeux. Tout serait tellement plus simple.

J’entends Shawn traiter Rayelle de ‘câlisse de folle’. Il est très rare qu’il parle d’une façon aussi vulgaire. Mon père a toujours été quelqu’un de très poli. Nous discutions beaucoup quand j’étais enfant, mais, à l’adolescence, j’ai arrêté de parler avec lui. Je pense qu’entendre ma voix mettait Rayelle en colère et comme elle est déjà bien souvent en colère, je ne voulais pas aggraver les choses. Rayelle, en retour, traite Shawn de ‘tabarnack’ et de ‘trou de cul’. Je n’en peux plus. Je dois me déconnecter de tout. De la Réalité même. Je ferme mes rideaux, éteins la lumière, ôte mes chaussures, et je vais me coucher dans mon lit.

Rayelle veut que je sois une adolescente ‘normale’, mais les ados normales, elles sont sur le party, la drogue et les garçons. Je le sais car toutes les filles populaires de l’école en parlent, pour se vanter, pour être admirées. C’est stupide. Comme cette jeune fille... je ne sais plus son nom... elle s’est vantée d’avoir couché avec dix garçons différents... et elle n’a que 14 ans ! Bon, elle a peut-être exagéré pour le nombre de partenaires, mais quand même, le monde est fou ! J’ai l’impression que les enfants veulent tout de suite devenir adultes.

Sur ces réflexions mentales au sujet d’adolescentes ‘normales’, je tombe endormie.

Cauchemar démentiel

Je me retrouve au beau milieu d’une route. Elle semble être infinie. Un épais brouillard est présent. C’est... l’une des formes de l’Inconnu. Qu’est-ce que l’Inconnu ? C’est beaucoup de choses. Pour faire simple, l’Inconnu est tout ce qui est nouveau, inhabituel et, bien entendu, dangereux. S’il pense me faire peur... ! J’ai pensé cela pour me rassurer, mais l’Inconnu me cause toujours des ennuis. Je commence à marcher, sans savoir où aller, car c’est à peine si je vois devant moi.

Tout à coup, j’entends un son. Un grognement terrifiant. Je tourne lentement sur moi-même, mais je ne vois personne dans le brouillard. Je continue donc de marcher. Le grognement se fait réentendre. Il semble de plus en plus près. J’avance toujours, mais en faisant le moins de bruit possible. De cette façon, la chose qui a émis ce son ne va pas me trouver. Enfin, c’est ce que je croyais.

J’entends à nouveau le grognement. Il est derrière moi. NON ! Je me retourne vivement et je fais face à l’ombre menaçante d’une créature humanoïde aux yeux brillants. Qu’est-ce que... ? Est-ce un fantôme, un loup-garou, un démon ? Peu importe. Je dois m’enfuir. MAINTENANT ! Je prends la poudre d’escampette sans plus attendre. Je cours, encore et encore, dans le brouillard.

Tout à coup, mon corps se retrouve entouré de lumière. AH ! Que se passe-t-il maintenant ? Je suis téléportée dans un lieu psychédélique. Il y a des taches de couleurs partout. Pas de ciel ni de terre. Mon corps est toujours entouré de lumière et je ne ressens plus mes vêtements. Oh là là ! Suis-je nue ?

Soudain, comme si une force invisible avait pris le contrôle de mon corps, je tourne sur moi-même puis je touche ma poitrine en mettant mes bras en croix. Un haut blanc avec un col vert et de courtes manches en voile apparaît. Je tape des mains. De courts gants blancs avec une ligne verte et sans doigt se matérialisent. Je touche ma cuisse. Une jupe verte avec un peu de blanc apparaît. Je touche mes pieds, un à la fois, en les relevant et ils se retrouvent chaussés de longues bottes blanches et vertes. Je touche mon cou, ce qui fait apparaître un petit collier ras de cou ayant une petite pierre verte. Je passe mes mains dans mes cheveux roux et ils changent de couleur. Ils sont maintenant bruns avec des mèches rousses. Deux petites barrettes apparaissent dans mes cheveux. Bien que mes oreilles ne soient pas percées, de petites boucles d’oreilles se matérialisent. Un bandeau blanc avec un petit ruban vert se forme sur ma tête. Finalement, je retouche ma poitrine et un gros ruban vert avec une pierre argentée naît sur elle.

Je retrouve le contrôle de mon corps et je suis transportée sur la route entourée de brouillard. Dieux du ciel ! Je me suis transformée en une magical girl ! Ça me fait retomber en enfance. J’ai toujours été fan des magical girls. Maintenant, avec l’adolescence, je dois le cacher parce que, selon les Autres, ce n’est pas « normal » d’aimer des émissions pour enfants. Pourtant, il existe des œuvres ayant des magical girls pour un public plus mature, averti, adulte.

Je n’ai pas le temps de penser plus à ce sujet que je revois la créature humanoïde aux yeux brillants. Je me remets à courir, tout en me sentant exposée, à la vue de tous. D’habitude, mes vêtements recouvrent le plus de chair possible, mais cet uniforme de magical girl me laisse les bras et les jambes à l’air. Normalement, ma peau me « brûlerait », cherchant désespérément une protection en tissu, mais je suis bien trop occupée à courir pour la ressentir.

Toujours en train de courir, je me rends compte que mes pas ne font pas le même son que tout à l’heure. J’ai quitté la route et je cours sur de l’herbe, puis sur un sentier sinueux. Je dois être dans une forêt. Si seulement ce foutu brouillard voulait bien disparaître ! Soudain, j’aperçois ce qui semble être une maison au loin. Comme la créature maléfique me poursuit toujours, je me dis que me cacher dans la demeure serait une excellente idée.

J’arrive devant la maison. Je tente d’ouvrir la porte d’entrée, mais elle est verrouillée. Non, non, non ! Je tente ensuite d’ouvrir les fenêtres qui sont à ma portée. Elles refusent de s’ouvrir. NOOOOOOOOOOON ! Puis une idée me vient. Alice, ce n’est qu’un rêve. T’as qu’à te réveiller ! Je ferme les yeux et j’attends. Rien ne se passe. Je ne me réveille pas. Comment... ? J’ouvre les yeux et, sans plus attendre, l’ombre menaçante de la créature arrive. Je suis obligée de me retourner pour l’affronter.

Contre toute attente, l’ombre, plutôt que de me bondir dessus pour me buter, se transforme en une adolescente. Une grande blonde aux yeux bruns que je connais trop bien.

« Mél... Mélane Fauchon ? »

Que fait-elle là, dans mon rêve ? Quoique s’il s’agit d’un cauchemar, c’est logique qu’elle soit là, mais... Je tente à nouveau de me réveiller, sans y arriver. De son côté, Mélane reste silencieuse. Son regard brun est toujours fixé sur moi. Je n’aime pas ça du tout.

« Mélane, qu’est-ce que vous faites ici ? »

« Alice... »

Le reste de ses paroles me glace le sang.

« Pourquoi veux-tu me crever les yeux, m’arracher les ongles, me brûler les cheveux, puis prendre mon cœur sanglant pour le dévorer ? »

C’est comme si j’étais devenue la vedette d’un film d’horreur dans le rôle de la tueuse sexy mais diabolique.

« Qu-Quoi ? Qu’est-ce que vous dites ? Pourquoi voudrais-je vous tu... ? »

Soudain, je me tais. Une envie me vient à l’esprit. jE... jE... Une envie sombre et folle.

« C’est tout simple. T’as déjà du sang sur toi... »

Mon uniforme de magical girl se retrouve taché de sang frais. jE... vEuX... Une envie meurtrière.

« ...et t’en veux encore ! Alors qu’est-ce que t’attends ? T’as un couteau, non ? »

Oui, j’ai un couteau. Tenu par ma main gauche. Il n’était pas là avant. Il est tout simplement apparu dans ma main. jE vEuX tE... L’envie de la tuer. Mélane. jE vEuX tE tUeR, CâLisSe dE tAbArNaK d’AuTrE !!! Tel un être possédé par une soif de sang, je pousse un cri bestial, avant de bondir sur Mélane pour la poignarder.

Encore.

Et encore.

Et encore !

eT eNcoRe !!!

Ha ha ha ha ! Je rigole dans ma tête, tout en riant à voix haute. Si ce n’est qu’un simple rêve, il est génial ! Sans perdre de temps, je défigure Mélane. Je lui coupe le nez. Je fais sortir ses yeux de ses orbites. Je compte bien lui arracher les ongles. Qui sera le prochain, hein ? Mes imbéciles de parents, qui ne me comprennent jamais ? Mes idiots de profs, qui sont aveugles à ma détresse ? La dame folle du supermarché, qui parle toujours de son chat mort ? Tout à coup, le brouillard se lève et tout se brise autour de moi, tels des fragments de miroir. Mon étrange folie disparaît, ainsi que le couteau ensanglanté.

Je me regarde. Il y a du sang frais sur moi. Je regarde au sol. Mélane est là, morte. Mélane, la tête en sang, sans nez, avec de gros trous noirs en guise d’yeux. C’est... C’est moi qui ai fait ça ? Non... Puis la bouche de Mélane se met à bouger. Elle murmure mon nom, avec un « tu m’as tuée ».

« NON, c’est pas vrai ! »

La bouche de la morte continue de parler. Elle me traite d’assassin et de salope.

« NON, ARRÊTEZ ! VOUS ÊTES UNE MENTEUSE ! »

Mais la voix n’arrête pas de prononcer des mots cruels. Je hurle de terreur. Soudain, le sol disparaît sous mes pieds. Je tombe dans un abîme sombre. Tout devient noir. Je tombe, tombe, et tombe, dans le vide sans fin. Pourtant, je sens quelque chose. Une présence près de moi. Quelque chose d’inhumain.

Je me réveille en criant. Quel cauchemar ! J’en n’ai jamais fait d’aussi affreux de toute ma vie. En plus, c’est comme si j’avais perdu le contrôle de moi-même. Moi, tuer quelqu’un comme ça ? Impossible ! Je remarque que mes cheveux sont toujours roux, tant mieux !, et que je suis toujours habillée avec mon chandail vert et mon jean. Mais où sont mes chaussures ? Je ne les vois pas sur le plancher près du lit. Voulant les trouver, je me lève, mais quelque chose cloche.

Les murs de cette chambre sont orange. Ceux de la mienne sont d’un bleu pâle. Le lit est ancien, avec une tête et une base en bois. Le mien est moderne, avec une tête et une base en métal. Je ne vois pas mon ordinateur, un modèle usagé que je possède grâce à Shawn, ni mes devoirs, ni ma garde-robe. En panique, j’appelle Rayelle et Shawn. Aucune réponse. Je les appelle à nouveau. Rien. Je dois peut-être dire... ?

« MAMAN, PAPA ! ÊTES-VOUS LÀ ? »

Je n’ai que le silence en guise de réponse. Ils ne sont pas ici. Mes parents ne sont pas là. Je ne suis plus dans ma chambre. Je ne suis pas chez moi, enfin, chez mes parents. Je suis en plein dans l’Inconnu. Le sombre, mystérieux et dangereux Inconnu. Tout en me retenant de hurler réellement, je crie ma détresse dans mon esprit.

Exploration de la maison

Mon corps se met à trembler comme une feuille. Ma tête veut se remplir à nouveau de douleur. Les larmes me viennent aux yeux. Je n’ai qu’une envie, pleurer, et pendant longtemps. Ne panique pas, Alice ! Tu peux TRÈS BIEN te débrouiller seule ! Me parler mentalement aide parfois. Tu as... Tu as qu’à... explorer les lieux. Oui, c’est ça ! Mes paroles « replacent » mon état mental. Ma douleur à la tête diminue d’un cran. Mon corps ne tremble plus. Quant aux larmes, mes yeux n’en produisent plus. J’essuie celles qui ont coulé puis mon exploration de ce lieu étrange débute.

Je commence par regarder attentivement la chambre aux murs orange. À part ce que j’ai déjà vu, il y a une petite table ayant une bougie éteinte dans un porte-bougie en forme de pilier, des allumettes, et, étrangement, des bandages. Qu’est-ce que ces bandages font là ? C’est une chambre, pas une infirmerie ! Je remarque également que la chambre n'a pas de commode ou de penderie pour ranger les vêtements. C’est bizarre... Tout à coup, mes chaussures à lacets apparaissent comme par magie. Ça alors ! Je me dépêche de les mettre. Ne voyant rien d’autre d’intéressant, je sors de la chambre orange.

Je me retrouve alors dans un long corridor ayant cinq portes. Celle que je viens d’utiliser a mon prénom gravé dessus ainsi qu’un cercle orange. Trois autres portes ont aussi le prénom « Alice », mais leurs cercles sont d’une autre couleur : jaune, brun et noir. La dernière porte affiche tout simplement les mots « salle de bain ». C’est très étrange. Pourquoi le prénom “Alice” sur les portes ? Et je me demande où mène ce couloir.

Je vais voir à son extrémité Est. Je trouve une trappe menant au grenier. Ensuite, je vais à l’extrémité Ouest. Il y a des escaliers descendant au rez-de-chaussée. Puis je retourne voir les portes « Alice ». Devrais-je en ouvrir une ? Bah, pourquoi pas ? Je tente d’ouvrir celle avec le cercle jaune quand une douleur arrive à ma main droite. Je retire vivement ma main de la poignée et elle saigne.

Une petite lame était sortie de la poignée pour me blesser la paume. Encore sous le coup de la surprise, je regarde la lame retourner dans la poignée. Ça alors ! Une poignée piégée ! Une chance que j’ai pas utilisé ma main gauche. Les autres portes le sont-elles également ? Malgré la blessure à ma main droite, je tente d’ouvrir la porte avec le cercle brun, puis celle avec le cercle noir. Ma main se fait à nouveau endommager par les lames des poignées. AÏE ! Mais ça fait mal ! Au moins, je peux en déduire que je n’ai le droit d’entrer que dans la chambre orange... et dans la salle de bain, sans doute. Les bandages que j’ai vus dans la chambre orange doivent servir en cas « d’accident » avec les poignées de porte.

Je retourne dans la chambre orange pour bander ma main blessée. Après avoir fait ça, je suis surprise de voir d’autres bandages apparaître comme par magie. Comment est-ce possible ? D’abord mes chaussures puis des bandages neufs. Ce... C’est... Ce n’est pas logique. Voulant éviter de paniquer, ce qui risque fortement de ramener une autre douleur à ma tête, je quitte la chambre pour aller au grenier.

Au grenier, oh là là, tout ce fouillis ! Des boîtes empilées un peu partout. Des livres sur le plancher. De la vaisselle cassée. Une bonne couche de poussière sur le tout. Des toiles d’araignées par-ci par-là... Mon corps se met à trembler comme une feuille. Ma peau, hypersensible, me « brûle ». Je hurle dans mon esprit. Non ! Je dois faire quelque chose. Je pars du grenier en courant.

De retour au corridor avec les portes « Alice », je vais à la salle de bain et, comme je l’avais déduit, je peux entrer sans que la poignée ne blesse ma main droite. Contrairement à la chambre orange, et au reste de la maison qui semble ancienne, la salle de bain est moderne. Il y a un bain avec une pomme de douche, un lavabo avec l’eau chaude et froide, un miroir, mais aucune ampoule pour de la lumière électrique. Seule la lumière du soleil éclaire la pièce.

Sans perdre de temps, je m’asperge le visage d’eau froide pour me « remettre » du grand choc du grenier. Ensuite, je me regarde dans le miroir. J’ai toujours détesté me regarder dans la glace. Je n’en vois pas l’utilité. En plus, je me trouve toujours laide et ridicule. Bon sang, Alice, t’as l’air d’une fille sur de la dope ! Je n’ai jamais compris la coquetterie des adolescentes de mon âge. Se maquiller, se coiffer pour être belle. S’habiller de vêtements « à la mode ». Quelle perte de temps. Sur cette réflexion, je soupire puis je quitte la salle de bain pour aller au rez-de-chaussée.

Au rez-de-chaussée, je découvre plusieurs choses. Une porte menant à des escaliers pour le sous-sol. Un salon presque vide, car il n’a qu’un grand fauteuil. Aucune télévision. Une cuisine très moderne. Tout y est. Réfrigérateur, four, four à micro-ondes, grille-pain, cocotte à riz, etc. Une petite salle à manger, ayant une table et quatre chaises, puis un vestibule.

Au vestibule, pensant pouvoir sortir d’ici, je tente d’ouvrir la porte d’entrée. Soudain, un étrange symbole magique apparaît. Il s’agit d’un grand cercle contenant une étoile à six branches. Au milieu de l’étoile, il y a un croissant de lune et un petit soleil. Le grand cercle a aussi d’autres signes mystérieux et inconnus. Le symbole me repousse, en me faisant tomber sur le plancher, puis il disparaît. Qu’est-ce que c'était que ça ? Une sorte de sceau magique ? Refusant d’abandonner, je me relève et je tente à nouveau d’ouvrir la porte d’entrée. Le symbole magique me repousse encore une fois. Je sens ma tête devenir lourde. La douleur veut me revenir. Allez, Alice, ne panique pas ! T’as qu’à réessayer une troisième fois ! Mais est-ce vraiment une bonne idée ? Non. Il doit y avoir une autre issue quelque part.

Je retourne au salon pour tenter d’ouvrir une fenêtre. Je n’y arrive pas. C’est comme si une force invisible la maintenait fermée. Je vais alors à la cuisine, car il y a aussi une fenêtre là-bas, pour l’ouvrir, mais elle aussi refuse de bouger. Non... Je tente d’ouvrir toutes les autres fenêtres que je peux trouver au rez-de-chaussée. Aucune ne veut s’ouvrir. Non, non, NON ! Je me retiens de paniquer. Attends... t’as pas encore regardé le sous-sol ! Misant tous mes espoirs sur lui, je vais au sous-sol.

Je me retrouve dans une grande pièce ouverte avec des murs blancs. Aucune porte, aucune sortie. C’est alors que je compris que je suis la prisonnière de cette maison. Il n’y a pas de sortie et je suis toujours au cœur de l’Inconnu. Je ne me retiens pas. Je pleure à chaudes larmes, tout en hurlant.

Pendant que je crie, mon bandage se défait et il tombe au sol. C’est alors que je remarque que ma main droite est guérie, comme par magie, ce qui me fait taire. Co...Comment... ? J’essuie mes larmes et je me force à cesser de pleurer. Cela prend du temps, mais j’y arrive. Comment est-ce possible ? Où suis-je donc ? À qui appartient cette maison ? Une chose est sûre, je dois le découvrir tôt ou tard.

L’Alice blonde

Je remonte lentement au rez-de-chaussée puis je vais à la cuisine. Toutes ces émotions m’ont donné faim. J’ouvre le réfrigérateur. Il est vide. Hein ? Y a rien à manger ? Je le ferme et je le rouvre. Cette fois-ci, il y a de la nourriture en masse. Qu’est-ce que... ? Je ferme le réfrigérateur. Je le rouvre à nouveau. Il n’y a qu’un poulet à l’intérieur. C’est de la sorcellerie ! Cette maison est-elle magique ? Cela expliquerait bien les portes aux poignées piégées, les bandages qui soignent les blessures, et le symbole de la porte d’entrée qui m’empêche de sortir. Dans tous les cas, j’ai toujours faim. Après avoir fermé et rouvert le frigo plusieurs fois, je parviens à me trouver des ingrédients pour me faire un sandwich à la dinde. Je suis capable de cuisiner bien des choses, mais je veux aller au plus simple. Je me suis aussi dénichée une bouteille d’eau.

Je prépare le sandwich, je trouve une petite assiette dans une armoire, et je vais m'asseoir à la table de la salle à manger. Bien que je déteste manger lentement, je prends le temps de consommer le sandwich à la dinde. Une bouchée à la fois avec des gorgées d’eau. Une fois ma collation terminée, je me rends à la cuisine pour laver mon assiette quand je tombe sur une adolescente blonde.

Ses cheveux sont attachés en une longue tresse. Elle vient de fermer le frigo, mais elle ne tient pas de nourriture. Sa peau est claire avec des nuances de rose. L’adolescente regarde dans ma direction et je remarque ses petits yeux bleus. Elle porte des vêtements de sport couleur bleue avec des bandes rose fluo. Aussi une camisole blanche. Je trouve cela très laid. Pas sa tenue, mais les couleurs.

Je tente de lui parler.

« Euh... bonjour... ? »

La fille blonde ne me répond pas. C’est étrange... comme si elle ne me voyait pas.

« Excusez-moi... habitez-vous ici ? »

L’adolescente ne me répond toujours pas. Elle avance vers moi et, je n’arrive pas à y croire, son corps passe au travers du mien. Je me retourne rapidement et je la vois quitter la cuisine. Encore sous le choc de la surprise, je la suis.

La fille blonde, est-ce un fantôme ? Elle monte au premier étage. Elle s’arrête devant la porte au cercle noir et elle cogne. Voyant que personne ne lui répond, elle va cogner à la porte au cercle brun, puis à celle au cercle orange. Cette fille n’est pas un esprit, alors. Dans ce cas, comment son corps a-t-il pu passer au travers du mien ? Personne ne répond. L’adolescente blonde soupire et elle ouvre la porte au cercle jaune. Elle entre dans la pièce. La porte est toujours ouverte.

Je reste où je suis et la fille revient pour fermer la porte, sans toutefois quitter la pièce où elle se trouve. J’attends un temps puis la porte au cercle jaune s’ouvre à nouveau. Cette fois-ci, l’adolescente blonde semble me voir, car elle pousse une exclamation de joie.

« Доброе утро! »

« Euh... »

Je ne connais pas cette langue. Comment faire pour communiquer ? Soudain, je ressens une drôle de pulsion froide, venant de mon cœur. Comme si une force invisible, mais maléfique, voulait me donner quelque chose.

« Как тебя зовут? Moi c’est Alice. »

Mon regard s’agrandit de stupeur. L’adolescente s’est mise à parler français et elle s’appelle aussi Alice.

« Euh... parlez-vous français ? » Lui demandé-je.

« Français ? Non. Je suis russe. »

« Bien alors pourquoi j’entends du français ? »

« Hum... C’est un phénomène inexpliqué. Les langues sont traduites automatiquement, autant parlées qu’écrites. »

« Ça alors, c’est incroyable ! »

« Oui, mais перевод иногда перестает работать. »

« Pardon ? »

« Bordel de merde ! Je disais que la traduction cesse de fonctionner parfois. »

« Je vois... »

Pour une Autre, elle semble sympathique, mais je dois rester prudente.

« Tu ne m’as pas encore dit ton nom. » Dis l’adolescente blonde.

« Pardon. Je suis aussi une Alice. »

« Eh bien... comme Brown et Kurosawa. »

« Qui ? »

« Les autres Alice. Ne les as-tu pas rencontrées ? »

« Non. »

« Bref, nous utilisons nos noms de famille pour communiquer. »

« Ah, comme dans un animé. »

« Ouais. Je suis Alice Blondinka. »

« Alice Lorange pour moi. »

« Je vois. »

Puis Alice Blondinka me dit qu’elle va se coucher et que je devrais en faire autant.

« Brown et Kurosawa ne sont pas dans leurs chambres. Tu ne pourras donc pas leur parler. » Dis Blondinka.

« Pourquoi ? » Je lui demande.

« Hors de nos chambres, nous sommes toutes dans des dimensions différentes. »

« Hein ? »

« C’est difficile à expliquer, mais nous ne pouvons pas interagir sauf si l’une d’entre nous est dans une chambre et qu’une autre vient lui parler. En passant, je peux te demander ton âge ? »

« Pourquoi ? »

« Juste pour savoir. J’ai 14 ans. »

C’est une drôle de question. Les Autres en posent des très étranges parfois. Enfin, selon moi.

« 16 ans. »

« C’est cool. Bon, je vais faire une petite sieste. À plus tard ! »

Je lui dis au revoir et Blondinka ferme sa porte de chambre. N’ayant rien d’autre à faire, je regarde ma montre. L’heure n’a pas bougé depuis mon départ forcé de chez moi. Cette maison est-elle figée dans le temps ? Je descends au rez-de-chaussée et je vais regarder à la fenêtre du salon. Je vois un ciel beau et ensoleillé. Gardant cela en mémoire, je retourne dans la chambre aux murs orange. Je fais une petite sieste sans rêve, je me relève, et je retourne voir la fenêtre du salon. Le soleil ne s’est pas déplacé. Rien n’a changé dehors. Cela confirme que la maison est bel et bien figée dans le temps.

Je retourne au premier étage. Tout en me demandant si je peux rencontrer les autres Alice, j’entends une porte s’ouvrir.

Brown et Kurosawa

Il s’agit de la porte au cercle brun. Je me dépêche de m’approcher et je vois une petite fille dans le cadre de la porte. Ses cheveux, bruns, sont attachés en deux couettes avec des élastiques roses. Sa peau est foncée avec des nuances rouges. Elle a les yeux bruns noisettes. L’enfant porte une robe blanche sans bretelles avec une broderie jaune, des chaussures à enfiler et un bracelet rose à son bras droit.

Dès qu’elle me voit, elle sourit et elle se met à parler.

« Hello! You must be the new Alice. »

« Euh... »

Je suis quand même bonne dans mes cours d’anglais, mais je suis trop embarrassée pour tenter de converser avec la petite fille. Et si je prononce les mots pas comme il faut ? Elle va se moquer de moi ! Après tout, même si elle est une enfant, elle est une Autre.

« Welcome among us! I’m glad to meet you. Blondinka, Kurosawa et moi, on... Euh, me comprends-tu ? »

« Maintenant, oui. »

L’enfant soupire.

« Je déteste quand la traduction flanche ! J’suis Alice Brown et toi ? »

« Lorange. »

« Alice... Lorange... ? »

« Quoi ? Est-ce ringard ? »

« Non, je trouve cela mignon. J’ai 10 ans et toi ? »

« 16. »

« Cool ! D’où tu viens ? »

« De Six-Luménial, au Canada. Je suis Québécoise. »

« Moi c’est de San Erica aux États-Unis. C’est une grande ville, comme Daniil et Erihimeka. »

« Daniil ? Erihimeka ? »

« Blondinka est de Daniil. Kurosawa est d’Erihimeka. »

« Je vois. »

L’Alice brunette me demande ensuite si j’ai déjà parlé avec Blondinka. Je lui dis que oui.

« C’est bien. Je ne sais pas si Kurosawa est dans sa chambre. Peux-tu aller vérifier ? »

« Euh... ok. »

Je vais cogner à la porte au cercle noir. Aucune réponse. Je retourne voir Brown.

« Elle n’est pas là. »

« Dommage. En tout cas, vous allez vous parler tôt ou tard. Kurosawa ne parle pas beaucoup d’elle-même. J’ai dû pratiquement la harceler pour qu’elle me dise son âge ! »

« Oh. »

Je ne savais pas quoi dire d’autre qu’un simple « oh ». C’est pathétique.

« Ouais. Elle a 20 ans et elle est japonaise. Bon, je vais aller faire un tour au salon. Bye ! »

Je lui dis un au revoir. Alice Brown sort de sa chambre. Tel un esprit, son corps passe au travers du mien. Je ne peux pas m’empêcher de sursauter. L’enfant va au rez-de-chaussée et, n’ayant rien d’autre à faire, je la suis.

Au salon, je retrouve Brown ainsi qu’une femme portant un kimono rouge et noir. Alice Kurosawa. Je tente de lui parler, mais mes mots ne l’atteignent pas. C’est comme Blondinka m’a expliqué. Nous sommes toutes dans des dimensions différentes, mais on dirait qu’elles ne me voient pas alors que moi, si. Brown et Kurosawa sont assises sur le grand fauteuil. Je ne peux que les observer. L’Alice brunette regarde le plafond. Elle doit attendre que le temps passe. Quant à l’Alice japonaise, elle se contente de regarder droit devant.

Alice Kurosawa a les cheveux noirs relevés en un chignon. Sa peau est claire avec des nuances dorées. Ses yeux sont d’un brun foncé alors, pour moi, ils semblent noirs. Elles doivent s’ennuyer à mort. Moi-même, je trouverais le temps long, à attendre comme ça, et pour rien.

Après ce qui semble être une éternité, Kurosawa se lève et elle va au premier étage. Je la suis et je l’interpelle avant qu’elle referme la porte de sa chambre derrière elle.

« Oh, bonjour à vous. あなたが四人目のアリスですか? »

« Bonjour. Euh, que dites-vous ? »

« Je vous demandais si vous étiez une nouvelle Alice. La Quatrième, pour être précise. »

« La Quatrième ? »

« Oui. Étant la première à être arrivée ici, je suis la Première Alice. Blondinka est la Deuxième, Brown la Troisième. »

« Dans ce cas, oui, je suis la Quatrième. Je suis Lorange. »

« Kurosawa. C’est un honneur de faire votre connaissance. »

Eh bien, pour une Autre, elle est vachement polie. La classe !

« Comme vous avez dû le remarquer, il n’y a que quatre chambres ‘‘Alice’’. Je ne pense pas que d’autres filles vont venir. C’est pour le mieux, puisque nous sommes enfermées. »

Je demande à l’Alice japonaise s’il n’y a vraiment aucune issue. Elle me dit malheureusement que oui. Pourtant, elle a tout essayé. Elle a tenté d’ouvrir les fenêtres de la maison, sans succès. Ensuite, Kurosawa a essayé de les briser. Le verre est incassable. L’Alice aux cheveux noirs a, comme moi, voulu utiliser la porte du vestibule, mais le symbole magique l’a repoussée.

« La cave n’est qu’une grande pièce vide aux murs blancs. Puis le grenier... » 

Soudain, Kurosawa se tait. Comme si parler du grenier la mettait mal à l’aise. Je tente de lui poser des questions sur le grenier, mais la femme change le sujet de la conversation.

« Je ne sais pas si les autres Alice vous l’ont dit, mais cette maison est figée dans le temps. »

« Je suis au courant. Je l’ai découvert par moi-même. »

« Bien. Aussi, nous... nous ressentons parfois quelque chose... d’étrange. »

« Quelque chose d’étrange ? »

« Oui, comme une pulsion froide dans notre corps, dans notre cœur. Parfois, quand j’arrive à dormir, je fais des rêves bizarres. Je... Je ne veux pas vous inquiéter, mais... »

« Mais quoi ? »

« ... »

Je déteste quand les Autres ne finissent pas leurs idées. Cela me met en garde encore davantage. Après tout, ils peuvent passer de politesse à moquerie sans crier gare.

« Euh... Madame Kurosawa ? »

« Je crois que cette maison est hantée. »

« Quoi ? Hantée ? »

« Oui et que certaines de ses entités fantomatiques sont en nous. Soyez très prudente. Au revoir. »

Sans dire rien de plus, Alice Kurosawa ferme sa porte de chambre, me laissant seule dans le couloir. Je me sens bien idiote. J’ai l’impression de m’être fait mener en bateau par la femme japonaise. Serais-je prisonnière dans une maison hantée ? Mon corps serait-il partagé avec un esprit ? N’importe quoi ! C’est les Autres tout craché. Ils se moquent toujours de moi. C’est pas juste.

Frustrée, je compte retourner dans la chambre aux murs orange quand je ressens à nouveau la pulsion froide. Celle-ci est tellement forte que j’en ai le souffle coupé. Je serre ma poitrine alors que mes jambes me lâchent. Je tombe au sol et je respire de plus en plus vite. Bon sang, que m’arrive-t-il ? Tout à coup, ma tête se remplit d’un bourdonnement très désagréable. Je me bouche les oreilles, mais ça ne diminue pas le bruit. Puis le bourdonnent se transforme en des sons.

Des gémissements féminins puis des syllabes de mots d’une langue qui m’est inconnue. Une langue sombre et démoniaque qui peut rendre ses entendeurs fous. Comme dans les livres de P.H. Livekion. NON ! Que dois-je faire ? Même si c’est de la folie, j’écoute la voix maléfique. Les syllabes en la langue sombre se transforment rapidement en mots que je connais.

<Moi... aider... danger...>

Quoi ? Suis-je en danger ? La voix semble avoir entendu mes pensées, car elle me répond.

<Sœur... proche... concentrée... bonne... dimension...>

<Quoi ? Je ne comprends pas.>

<Concentré... même... dimension... concentrée... avec moi...>

Je sens que quelque chose en moi se concentre. Je me concentre à mon tour, tout en me relevant, et quelle ne fut pas ma surprise quand une créature fantôme humanoïde violette se matérialisa.

<Sœur... comme moi... mais... sans... conscience...>

<Désolée mais je ne comprends rien !>

<Fuir... fuir...>

La créature fantôme femelle s’avance vers moi.

<Ok, je fiche le camp d’ici !>

Je m’enferme dans la chambre aux murs orange et la créature humanoïde ne me suit pas. J’entends un sifflement de frustration puis plus rien.

<Fiou ! Elle est partie.>

<Oui... partie...>

<Qui êtes-vous ?>

<Nous... avons... pas... désignations... sauf... Traces...>

<‘‘Traces’’ ?>

<Adélan... donner... appellation...>

<D’accord, vous êtes des Traces. Votre nom ?>

<Ai pas... nom... comme... sœurs... et... amies conscientes…>

<Bien, alors je dois vous en trouver un. Heather, cela convient ?>

<Hea...ther... ? Oui...>

Je continue de discuter mentalement avec Heather. Je voulais en savoir plus sur les Traces mais, au lieu de cela, j’ai dû lui parler de moi-même. Je suppose qu’elle voulait proprement faire connaissance.

Ensuite, Heather me demande de trouver les autres Alice pour “réveiller” ses amies qui sont en elles, si elles ne le sont pas déjà. N’ayant pas d’autre choix, je sors de la chambre orange.

Révélations et transformations

Je vais cogner à la chambre de Kurosawa. L’Alice aux cheveux noirs vient me parler au bout de quelques minutes. Elle devait être couchée.

« Bonjour à nouveau. おかしな夢を見たのです. »

« Madame Kurosawa... la traduction automatique... »

Kurosawa continue de parler en japonais puis ses paroles finissent par se traduire automatiquement en français.

« J’ai fait un très court rêve des plus curieux. Toutes mes excuses. La traduction a lâché. »

« Ce n’est rien. Parlez-moi de votre rêve. »

Kurosawa me raconte qu’elle se tenait près d’un phare, sur une colline, puis qu’elle s’est mise à entendre une voix dans sa tête. La voix semblait maléfique, mais elle disait vouloir aider. Elle a demandé à l’Alice japonaise de la “réveiller”. Surprise, je sursaute.

« C’est l’amie d’Heather ! »

« Heather ? Qui est Heather ? »

Je lui raconte comment Heather s’est manifestée en moi.

« Finalement, vous aviez raison. Cette maison est bel et bien hantée, par ces Traces. Nos corps sont bel et bien habités par des créatures fantomatiques, mais elles sont de notre côté. »

Je me sens à nouveau idiote pour ne pas l’avoir crue.

« Je vois. Alors comment puis-je réveiller celle qui est en moi ? »

La voix d’Heather me dit mentalement ce qu’il faut faire.

« Il faut que vous vidiez votre esprit de toute pensée, que vous vous concentriez sur votre cœur. Quand la pulsion froide se fera ressentir, vous allez entendre un bourdonnement. C’est très désagréable, mais ne résistez pas. »

Kurosawa suit mes instructions. Son visage devient rapidement crispé. Elle semble en souffrance, puis ses yeux se dilatent.

« AH ! Je l’entends, dans ma tête ! C’est une Trace... et elle n’a pas de nom. »

« Je sais. J’ai choisi Heather pour la mienne. »

« Heather... du jeu d’épouvante Silent Villa ? Un choix intéressant. Moi, je vais choisir le nom Aya. »

« Aya Namie du jeu Parasite Adam ? Cool ! »

« Je pensais plutôt au film d’horreur. Tiens, Aya tente de me dire quelque chose. »

Quelques minutes de silence s’écoulent, le temps que Kurosawa écoute Aya, puis elle m’annonce de très grandes nouvelles.

« Aya m’a expliqué deux choses. Un, grâce à elles, nous pouvons toutes nous mettre dans la même dimension, donc nous voir en tout temps. »

« C’est formidable ! Comment ça fonctionne ? En se concentrant sur la même dimension ? »

« Oui, en quelque sorte. Deux, et j’ai de la difficulté à y croire, mais elles peuvent déverrouiller l’affinité de nos âmes et, eh bien, nous transformer en magical girls. »

Je crie de stupeur, ce qui fait sursauter l’Alice japonaise. Nous, en magical girls ? C’est comme dans mon cauchemar avec Mélane !

<Oui... entrée... vous... durant... cauchemar...> Me dit Heather.

<Euh, c’étaient des pensées personnelles. Je ne vous parlais pas.>

<Mais... j’entends... tout...>

Je soupire.

<Alors tes amies ont dû entrer en les autres Alice de la même façon, mais pourquoi ? Pourquoi nous aider ?>

Heather m’explique qu’elle est consciente.

<Je ne comprends toujours pas.>

Kurosawa, qui était restée silencieuse, se met à parler.

« Euh... pardonnez-moi. Je vais aller voir Brown. Voulez-vous aller voir Blondinka ? Il faut réveiller les Traces en elles. »

« D’accord, mais avant, mettons-nous dans la même dimension. »

Nous nous concentrons toutes deux sur le désir d’être au même endroit, de pouvoir se voir. Je me recule et l’Alice aux cheveux noirs sort de la chambre. Elle me dit, avec joie, qu’elle me voit.

« Génial, alors... n’allez-vous plus me passer à travers ? »

« Non, bien sûr que non, mais nous pouvons faire un test. »

Elle tend sa main vers moi, je la prends et je ne peux pas m’empêcher de sourire. Quand remonte la dernière fois que j’ai souri ? Je ne me rappelle pas. Je suis tellement habituée à garder mon visage et mon ton de voix neutre pour survivre. Pourtant, avec les autres Alice, je sens que je peux m’exprimer et sans crainte. Ce sont des Autres... comment est-ce possible ?

<Peut être... elles...>

« Vous êtes très mignonne avec ce sourire, Mademoiselle Lorange. »

Je rougis un peu et je lâche sa main. Personne ne m’a dit que j’étais mignonne avant, à part mes parents, et il y a longtemps.

Tout à coup, les portes des chambres de Blondinka et de Brown s’ouvrent en un coup de vent. L’Alice blonde et l’Alice brunette sortent de leurs chambres en même temps. Elles se regardent et, sous mon regard stupéfait, s’enlacent.

« Vous deux... Vos Traces sont réveillées ! » Dis Kurosawa.

« Oui, nous pouvons... »

Brown se sépare de l’Alice russe et elle nous voit.

« Lorange, Kurosawa, vous êtes là ! »

« Oui. Je suis avec Heather. Kurosawa est avec Aya. »

« Je suis avec Jennifer. » Dis Brown.

« Moi avec Lisa. » Dis Blondinka.

Blondinka nous a aussi vues. Elle est toute souriante.

« Lisa de Silent Villa et Jennifer de Bell Tower ? »

Brown et Blondinka me disent oui en même temps.

« Eh bien, nous avons de la classe. » Dis Kurosawa. « Toutes des noms d’héroïnes d’œuvres d’horreur. »

« Venant toutes de jeux vidéo ! » Ajoute Brown.

« Quoi que certains ont également des films. » Dis Blondinka.

« Donc saviez-vous pour... ? Euh... »

« Pour nous en magical girls ? » Me demande Brown. « Oui, mais j’avais de la difficulté à y croire. »

« Lisa m’a dit d’aller au grenier pour en savoir plus, mais je refuse d’y aller ! Elle n’a qu’à m’expliquer tout ça mentalement. »

« Jennifer m’a aussi parlé du grenier. Hors de question que j’y aille ! »

Je suis surprise de les entendre dire cela. D’habitude les Autres peuvent aller où ils veulent sans soucis. Je demande à l’Alice américaine et à l’Alice russe pourquoi elles ne veulent pas aller au grenier. Brown et Blondinka ne me répondent pas.

« Et vous, Kurosawa ? »

« Le grenier ? Je peux toujours y aller, à contrecœur certes, mais... »

« Pourquoi ? »

Selon moi, ce n’est pas logique, et je veux comprendre pourquoi les trois Alice agissent ainsi.

« Parce qu’on veut pas y aller, c’est tout. » Dis Brown.

Une grande colère monte en moi. Normalement, je me contrôle devant les Autres, pour ma survie, mais pas cette fois. Je crie.

« CE N’EST PAS LOGIQUE ! »

« Mademoiselle Lorange ? Que... ? »

« VOUS ÊTES DES AUTRES ! »

« Des quoi ? » Demande l’Alice blonde.

Elles le font exprès ou quoi ? Heather reste silencieuse. Mon regard vert s’enflamme de rage.

« DES AUTRES, DES MAUDITS AUTRES ! ALORS POURQUOI VOUS NE VOULEZ PAS ALLER AU GRENIER ? »

« Lorange, calme-toi, tu me fais peur ! » Exclame Brown.

« NON ! VOUS N’ÊTES PAS COMME MOI, ALORS POURQUOI... ? »

« Être quoi exactement ? » Demande l’Alice aux cheveux noirs.

C’est ridicule ! Elles savent très bien de quoi je parle.

<Dis-le...>

« JE SUIS AUTISTE, MERDE ! AU-TIS-TE ! DONC POURQUOI ? POURQUOI CE REFUS D’ALLER AU GRENIER ? »

D’habitude, je ne dis jamais rien de grossier, mais là, au diable mes conventions. Les trois Alice me regardent, surprises, puis Brown me dit, timidement, qu’elle est aussi autiste.

« J’pensais que c’était évident, rien qu’en me regardant. »

« Mais non ! » Dis Blondinka. « Comment on aurait pu savoir ça ? »

L’Alice américaine est tout embarrassée. Je suis toujours en colère.

« En tout cas, je suis normale. » Dis l’Alice russe. « Kurosawa aussi. »

« C’EST FAUX ! SI VOUS ÉTIEZ DES AUTRES, VOUS IRIEZ AU GRENIER ! »

« C’est vrai, je suis nor... »

« CESSEZ DE MENTIR ! »

Je n’en peux plus, de ces niaiseries. Je me laisse aller avec un bon juron.

« OSTI DE TABARNACK !!! »

Contre toutes mes attentes, Kurosawa commence à pleurer doucement.

« Lorange, c’est assez. » Dis froidement Blondinka.

« MAIS... ! »

« Oui, je suis autiste. Là, je l’ai dit. T’es contente ? »

Je reste silencieuse. Ma colère s’estompe pour laisser place à la gêne et la honte. Qu’est-ce qui m’a pris, de leur crier après ainsi ? Elles vont se venger ! Me faire mal !

<Non...>

« Je... Je suis désolée... je... »

Kurosawa tente d’essuyer ses larmes, mais elles continuent de couler.

« Oui, je le suis... Je suis comme vous toutes... Je DEVAIS être normale ! »

« Pourquoi ? » Demande Brown.

« Pour ma famille, pour mes amies, pour l’honneur. Mes parents, Haruki Sekai et Akitaro Kurosawa, veulent que je me marie bientôt. »

« Un mariage arrangé ? » Demande Blondinka.

« Non, non, je peux prendre comme époux qui je veux, mais je ne ressens rien. Je n’ai pas d’attirance pour qui que ce soit ! »

L’Alice japonaise se met à pleurer de plus belle. Je me sens encore plus honteuse. J’ai fait pleurer une femme, une personne plus âgée que moi.

« Oh, Kurosawa... »

Brown veut la serrer dans ses bras mais Kurosawa la repousse.

« Non, ce... ce n’est pas convenable. »

« Dans ce cas... »

J’hésitais fortement à lui demander.

« Pouvez-vous arrêter de pleurer ? »

« LORANGE ! » Crie l’Alice blonde.

Oh oh, je l’ai frustrée !

« Oui... je... j’essaie. Discutez entre vous... je vous prie. Ça peut m’aider. »

« D’accord. » Dis Brown.

L’Alice américaine se met à nous parler d’elle. Elle est la fille de Kailyn Anderson, une prof de chimie, et d’Alexander Ethan “A.E.” Brown, un architecte paysagiste. Contrairement à moi, Brown aime bien les Autres. Très sociale, elle essaie de se faire des amies et d’être mieux acceptée à son école, car elle se fait parfois intimider. L’Alice brunette a de la difficulté à lire, mais elle se force, car elle aime apprendre. Elle veut s’améliorer. Pas juste en lecture, en tout. Ses parents l’adorent et Brown a une vie heureuse à la maison. Elle a toujours aimé le coloriage.

« Voilà pour moi. À qui le tour ? »

« Je... Je peux parler de moi. »

Je leur parle de mes parents, Rayelle Lorange et Shawn Mabis. De ma vie tortueuse. De ma survie, de tous les jours. Du fait que Rayelle se dispute toujours avec moi pour des raisons insipides. Que mes parents vont peut-être se séparer, car ils sont en conflit à cause de moi. Étrangement, je sens que les autres Alice ont pitié de moi, et cela me procure un baume au cœur et à mon âme. Ma chère âme, qui a toujours été fissurée à cause de la douleur des Autres. Je leur dis aussi que je suis une gameuse. Ensuite, Blondinka prend la parole.

Ses parents sont Sofia Blondinka, une chanteuse de cabaret, et Yakim Morozov, un sculpteur. Étant dans une famille d’artistes, l’Alice russe est douée pour le chant et le dessin. Elle se fait passer pour une Autre, car elle a appris bien jeune à les imiter pour éviter le rejet de la société. Ses parents ont toujours été respectueux, mais distants avec elle. L’Alice blonde s’est toujours demandée si sa naissance était “un accident” ou quelque chose de plus grave. Née d’un viol. En rigolant, Blondinka nous dit que ce serait bien ironique, car elle aussi a été violée, à l’âge de 10 ans. Je ne trouve pas cela drôle du tout. Heather me dit mentalement que Blondinka doit rire pour cacher sa souffrance.

<Je vois. Son agression a dû laisser des traces sur sa psyché.>

La révélation que l’Alice blonde ait été violée laisse Kurosawa en une mélancolie. Malgré tout, elle arrive à arrêter de pleurer.

« C’est trop horrible ! » Dit-elle. « Comment avez-vous pu continuer à vivre ? »

« Pourquoi ? Parce que toi, tu te serais suicidée ? »

« Euh... et bien... »

« Pas moi. Je vis en étant forte. C’est tout. »

« Je... Je comprends. »

Pour tenter de changer de sujet, pour passer à autre chose, l’Alice japonaise nous dit que ses parents travaillent tous deux au même bureau. Quand Brown lui demande quel est leur travail, Kurosawa ne peut pas lui répondre. J’allais demander aux autres Alice s’il est possible pour moi d’entendre leurs Traces quand Heather me prévient du danger.

« Il y a des Traces proches ! » Exclamé-je.

« Je sais. » Dis Brown. « Il faut se concentrer pour les voir. Soit les relier à notre dimension, soit aller dans la leur. »

« Allons dans la leur, c’est plus sûr. » Dis Kurosawa.

« Bien. » Dis Blondinka.

Nous nous concentrons et les Traces apparurent. Elles sont trois. Heather me dit qu’elles veulent manger nos âmes. L’Alice américaine propose que nous retournions dans nos chambres, car les Traces ne peuvent pas y entrer. L’Alice russe suggère plutôt de les combattre, puisque que nous avons des pouvoirs de magical girls. L’Alice japonaise, quant à elle, attend ma décision.

« Très bien, au combat ! Mais nous nous transformons comment ? »

Après tout, nous ne pouvons pas être des magical girls sans transformation, comme dans les animés Sailor Étincelle ou bien dans Pretty Preserve.

<Vais... déverrouillée... affinité... élément... ton âme...>

Il y eut un déclic dans mon esprit et je ressens une chaleur. C’est agréable.

<Affinité vent... libérer...>

« Jennifer a déverrouillé mon affinité d’âme à la terre. » Dis Brown.

L’affinité de Blondinka est l’eau, Kurosawa le feu. C’est ce qu’elles m’ont dit. Puis nous entendons toutes les Traces conscientes dans nos têtes. Heather, Jennifer, Lisa, Aya. Elles nous disent de nous transformer.

« Je veux bien, mais nous disons quoi ? ‘‘Transformation’’ ? ‘‘Transforme-moi’’ ? ‘‘Pouvoir de [élément], activation’’ ? »

J’eus à peine fini de parler que mon corps se retrouve entouré de lumière.

« Eh bien, tous les mots fonctionnent ! » Dis Kurosawa.

Elle, comme les deux autres Alice, ont leurs corps entourés de lumière. Nous sommes téléportées dans un lieu psychédélique, le même que j’ai vu pendant mon cauchemar avec Mélane. Il y a des tâches de couleur partout. Pas de ciel, ni de terre. Je ne ressens plus mes vêtements.

« Euh... est-ce juste moi ou nous sommes toutes nues ? » Demande l’Alice américaine. « Je ne sens plus ma robe. »

« Non, non et non ! HORS DE QUESTION ! » Crie l’Alice russe.

« Allons, ça pourrait être pire. » Dis-je. « Je ne vois rien de toute façon. »

« C’est quand même gênant. » Dis l’Alice japonaise.

« Ne veux-tu pas plutôt dire embarrassant ? » Demande Blondinka.

Puis nous sentons une pulsion chaude, comme si nos Traces voulaient nous guider, et nous nous transformons.

Je tourne sur moi-même puis je touche ma poitrine en mettant mes bras en croix. Un haut blanc avec un col vert et de courtes manches en voile apparaît. Je tape des mains. De courts gants blancs avec une ligne verte et sans doigt se matérialisent. Je touche ma cuisse. Une jupe verte avec un peu de blanc apparaît. Je touche mes pieds, un à la fois, en les relevant et ils se retrouvent chaussés de longues bottes blanches et vertes. Je touche mon cou, ce qui fait apparaître un petit collier ras de cou ayant une petite pierre verte. Je passe mes mains dans mes cheveux roux et ils changent de couleur. Ils sont maintenant bruns avec des mèches rousses. Deux petites barrettes apparaissent dans mes cheveux. Bien que mes oreilles ne soient pas percées, de petites boucles d’oreilles se matérialisent. Un bandeau blanc avec un petit ruban vert se forme sur ma tête. Finalement, je retouche ma poitrine et un gros ruban vert avec une pierre argentée naît sur elle.

Brown, Kurosawa et Blondinka font des mouvements similaires aux miens pour se transformer. J’ai l’impression qu’elles dansent. Leurs uniformes de magical girls sont identiques au mien sauf pour la couleur. Tout comme dans Sailor Étincelle. Le mien est blanc et vert. Celui de Brown est blanc et jaune. Ses cheveux ont passé du brun au roux avec des mèches brunes. Celui de Blondinka est blanc et bleu. Ses cheveux ont passé du blond au noir avec des mèches blondes. Celui de Kurosawa est blanc et rouge. Ses cheveux ont passé du noir au blond avec des mèches noires.

Nous sommes transportées dans le corridor aux chambres Alice et les trois Traces sont prêtes à nous sauter dessus.

« Allez, utilisons notre imagination ! » Dis Brown.

Il semblerait que c’est avec elle, plus l’affinité de notre âme, que nous pouvons attaquer. Comme dans la saison 15 de Pretty Preserve. Alors que je m’attendais à ce qu’elles lancent leurs attaques en français, dû à la traduction automatique des langues, ou encore dans leurs langues maternelles, les Alice attaquent toutes avec des noms anglais. Il faut dire que c’est très commun dans les animés.

« Power of the Earth, GO ! »

Brown lève son bras et tend sa main droite vers le plafond. Une stalactite apparaît et tombe sur la première Trace. L’attaque magique l’écrase, du sang noir jaillit, et la créature disparaît avec la stalactite.

<Est morte... maintenant...>

J’entends la voix de Jennifer dans ma tête.

« Water Sword Edge ! » Dis Blondinka.

Une épée bleutée apparaît dans sa main droite. Elle semble être faite de cristal ou, du moins, d’un matériel transparent. L’Alice blonde s’en sert pour découper la deuxième Trace en lambeaux. Ses mouvements avec la lame magique me font penser à un jeu d’hack-and-slash. Blondinka doit être aussi un peu gameuse. L’épée disparaît dès que la créature dévoreuse d’âmes meurt.

Il ne reste qu’une Trace.

« Je peux... »

« Je m’en charge ! » Dis Kurosawa, m’interrompant. « Fire Orb, Rage On ! »

Une orbe de feu apparaît, piège la Trace, et explose, la consumant. Kurosawa a aussi utilisé sa main droite en lançant l’attaque. Je suis la seule Alice gauchère.

Maintenant que les Traces sont mortes, nous pouvons souffler un peu, bien que personne ne soit fatigué. Nous nous dé-transformons. Je demande à Heather pourquoi la traduction automatique n’a pas fonctionné pendant les attaques magiques et elle me donne une drôle de réponse.

<C’est cool... et... volonté...>

Il est vrai que c’était cool, mais la volonté ? La volonté de qui ? Des Alice ? Et de quoi, de dire les attaques en langue anglaise ? Je n’ai pas eu le temps de réfléchir à cela que la voix de Lisa se fait entendre.

<Briser le Domaine... retourner... Terre... sous-sol...>

<Pas... maintenant... grenier... avant...> Dis Aya.

« Hein ? Quoi ? » Demandé-je.

« Je ne comprends pas non plus. » Dis Brown.

<Pour Adélan... grenier...> Explique Aya.

<Mais... nous savoir... nous pouvoir expliquer...> Dis Lisa.

« Nous expliquer quoi ? » Demande Blondinka.

<Oui... nous pouvoir expliquer... tout...> Dis Jennifer.

<Aya... parler... journal... Adélan... ?> Demande Heather.

<Oui, au grenier...>

Heather ne dit rien d’autre. Les autres Traces conscientes non plus.

« Alors que faisons-nous ? » Demande l’Alice japonaise. « Allons-nous au sous-sol ou bien au grenier ? »

« J’veux pas aller au grenier mais j’suis curieuse. » Dis l’Alice américaine. « Qui est cet Adélan ? »

« Sans doute le propriétaire de la maison. » Répond Kurosawa.

« Mais alors, où est-il ? » Demande l’Alice russe. « À part les Traces qui veulent nous tuer, il n’y a personne ici. »

« Il... Il doit être mort. » Dis-je. « Son journal peut nous en dire plus. »

« Mais Lisa a dit qu’elle et ses amies peuvent tout nous expliquer ! Pourquoi se faire du mal pour rien ? Je dis qu’on va au sous-sol pour en finir et retourner sur Terre. » Dis Blondinka.

« Je suis d’accord avec vous. » Dis Kurosawa.

« Brown, et vous ? » Demandé-je.

« Je suis trop curieuse. Même si cela ne me plait pas, je vais aller au grenier. »

« Pas question d’y aller seule. Je viens avec vous. »

Brown me remercie. Kurosawa et Blondinka se regardent, soupirent en même temps, et nous allons toutes au grenier.

Retrouvailles

Au grenier, Blondinka nous dit de nous dépêcher.

« Plus vite on s’en va, mieux ce sera. »

« Alors cherchons vite. » Dis Brown.

Nous cherchons rapidement le journal d’Adélan. Ma peau veut me brûler alors que je dois déplacer des boîtes de carton. Mon cerveau me cri « danger ». Je soupire de frustration. Finalement, c’est Kurosawa qui trouve le journal. Il s’agit d’un livre.

« Alors, que raconte-t-il? » Demandé-je.

« Eh bien... »

Kurosawa nous dit qu’Adélan, nom complet Adélan Alarie, était le propriétaire de la maison. Quand sa femme, Alya Vautrot, et ses deux enfants, Amandine et Anicet, sont morts lors d’un accident de voiture, il a sombré dans la démence. S’intéressant à l’occulte et à la magie noire, il a invoqué des créatures féminines cauchemardesques d’un autre monde pour tenter de les faire revenir à la vie.

« Il a invoqué les Traces ! » Exclamé-je.

« Oui, mais elles ne peuvent pas ressusciter les morts. Les Traces l’ont rapidement tué pour se nourrir, car seules les âmes d’êtres humains peuvent les satisfaire, mais Alarie avait prévu cela. Avant de mourir, il a jeté un sort de scellement sur sa maison. Maintenant, sa maison est devenue un Domaine, un lieu magique dans une dimension vide où aucun être humain ne vit. »

L’Alice japonaise continue d’expliquer que c’est Adélan qui leur a donné le nom de « Traces ». Ces créatures sont uniquement femelles, mais elles semblent être originaires d’un « Père Géniteur ». Il s’accouplerait avec ses propres créations pour se reproduire davantage, mais ses enfants sont uniquement des femelles.

« BEURK ! C’est dégueulasse ! » Dis Brown.

Je suis d’accord avec elle. Kurosawa continue de parler. Les Traces sont des créatures qui ne vivent que pour se nourrir d’âmes humaines et pour se reproduire. N’ayant pas accès à de la nourriture, elles auraient dû mourir, mais Alarie ignorait qu’elles avaient le pouvoir d’invocation. Les Traces se mirent donc à invoquer des êtres d’autres dimensions pour dévorer leurs âmes. Toujours en groupe de quatre et ayant un prénom partagé, comme nous, les Alice. C’est une règle créée par la magie du Domaine.

« Cela doit être le Domaine qui a créé les chambres Alice et tout ce qui s’y rapporte. » Dis l’Alice japonaise.

« Aussi le frigo, avec son contenu toujours changeant. » Dis l’Alice russe.

« La traduction des langues, le fait que la maison soit figée dans le temps... Mais cela n’explique toujours pas pourquoi Heather et les autres Traces nous aident. » Dis l’Alice américaine. « Et comment le journal a-t-il pu révéler que les Traces invoquent des gens, si Adélan lui-même n’est pas au courant ? »

« C’est vrai. » Dis-je.

Kurosawa l’ignore, mais elle pense que l’information a été ajoutée par la suite par une autre force.

<Exact... nous... ajouter... ça... et... affinité âme... éléments...> Dis Aya.

Effectivement, la suite du journal parle de ça et d’une façon bien écrite et détaillée. Tout le contraire de leur façon de parler.

<Nous... sommes... conscientes... comprendre... bien et mal... c’est pour ça... aider...> Ajoute Heather.

<Oui... nous rester... longtemps...> Dis Lisa.

<Si... vouloir... nous...> Conclus Jennifer.

Nous restons silencieuses. Moi, je veux bien qu’Heather reste en moi. Je suis sûre que les autres Alice le veulent aussi. L’Alice japonaise nous dit qu’il n’y a rien d’autre dans le journal d’Adélan Alarie.

« Alors allons au sous-sol ! » Exclame Blondinka.

Nous courons vers le sous-sol, toutes souriantes. J’avais bien hâte de rentrer à la maison.

Dans la grande pièce aux murs blancs, Heather marmonne quelque chose et deux portes apparurent. L’Alice américaine ouvre une porte et elle crie.

« Brown ! Qui y a-t-il ? » Demandé-je.

« Venez voir, c’est horrible ! »

Nous allons voir et la porte mène à une salle de bain. Il y a du sang partout.

« Que s’est-il passé ici ? » Demande Blondinka.

<Alarie... invoquer... Traces... ici... Rituel... demande... beaucoup de sang...> Dis Lisa.

<Sang... invocateur... et... femmes vierges...> Dis Aya.

« D...D...D’accord, allons ouvrir l’autre porte ! »

Je sens que l’Alice japonaise se retient de crier d’effroi. Des femmes vierges. Combien Adélan en a-t-il tuées dans l’espoir de retrouver sa fiancée et ses enfants ? Heather commence à compter et je l’arrête tout de suite.

Alice Kurosawa ouvre l’autre porte. Dans les ténèbres se tient un cristal brillant. Les Traces conscientes nous disent qu’en le détruisant, nous serons renvoyées sur Terre, mais que la maison, le Domaine, sera aussi détruit.

« Ça veut dire quoi ? » Demandé-je aux Traces.

<Sœurs... libres... libérer... peuvent tuer...> Explique Jennifer.

<Mais elles... peut être... retourner... monde d’origine... Pas savoir...> Dis Heather.

Cela rend Brown triste. Elle ne veut pas être responsable de la mort d’innocents.

« Mais c’est le seul moyen de rentrer chez nous ! Au diable les Autres ! »

Alice Blondinka a dit « les Autres ». Cela me fait rire. Les Traces conscientes nous demandent de nous transformer et de détruire le cristal. Nous nous transformons en moins de cinq secondes et, au même moment, un groupe de Traces maléfiques arrive. Génial ! Comme si nous avions besoin de ça ! Que faire ? Détruire le cristal !

« Détruisons ce cristal et rentrons chez nous ! Attaque combinée ! Wind Power ! »

« Oui ! Water Power ! »

« Earth Power ! »

« Fire Power ! »

« RELEASE ! » Nous crions toutes ensemble.

Des rayons colorés touchent le cristal. Il explose et je me retrouve éblouie par une vive lumière blanche. Je tombe évanouie.

Quand je me réveille, je remarque que je suis couchée dans ma chambre. Ma chambre aux murs bleu pâle, sur Terre, et je suis toujours transformée. AHHHHHHHHHH !

<Crie pas... suis là...>

Heather est toujours en moi. Je me retiens de sauter de joie.

<Heather ! Je suis bien contente que vous soyez là. Où sont les autres ?>

<Soit... retournée chez elles... ou...>

<Ou quoi ?>

J’entends à nouveau les fortes voix de mes parents. Ils se disputent encore. Je soupire et je vais regarder l’heure sur une horloge. Elle n’a pas changé depuis mon départ pour le Domaine, la maison d’Adélan. Ça alors ! C’est comme si j’étais jamais partie !

Des heures s’écoulent. Mes parents se sont calmés et nous avons soupé. Je me suis dé-transformée avant, bien sûr. Maintenant, je suis en pyjama et, normalement, je devrais être couchée pour la nuit, mais je continue de jaser avec Heather. Elle me dit qu’il y a une possibilité que les Alice aient été transportées dans ma ville plutôt que dans leurs pays si elles ont désiré me revoir pendant qu’elles étaient ramenées sur Terre.

<Il faut aller vérifier ! Mais où pourraient-elles être ?>

<Vais tenter... communiquer... avec Aya... et les autres...>

<D’accord.>

Pendant qu’Heather envoie des messages télépathiques sur une longue distance, je m’habille avec mon t-shirt et mon jean. Je sors de ma chambre sans faire de bruit, je mets mon manteau noir, et je quitte la maison. Soudain, j’entends la voix d’Aya dans ma tête.

Bien que nous ne sommes plus dans le Domaine, je la comprends malgré tout. Nos amies Traces doivent avoir un certain pouvoir de compréhension, peu importe la langue. Elle me dit que les Alice sont dans un parc. Je lui demande lequel.

<Six-Luménial a beaucoup de parcs.>

<Plus proche... de toi...>

Je sais de quel parc elle parle. Je m’y rends rapidement.

Les Alice courent en ma direction dès qu’elles me voient.

« Lorange! You’re here! »

« Ты здесь! »

« またお会いできましたね. »

Non ! Sans la traduction automatique, comment communiquer ?

<Nous... pas avoir... pouvoir... mais... essayer... autre chose...> Me dit Heather.

Je sens qu’Heather se concentre intensément. Les autres Traces doivent faire la même chose.

<Libérer... pouvoir... cœur... âme... compréhension... TOUT !>

<Essaie... parler...> Dis Lisa.

<Oui... parler...> Dis Jennifer.

« Euh... bonsoir, les filles ? Co...Comment allez-vous ? »

« LORANGE, ÇA MARCHE ! ON SE COMPREND ! » Me disent-elles en même temps.

Nous rions de joie, toutes ensemble. La lune est bien haute dans le ciel. J’enlève mon manteau. Nous regardons la lune et je suis très heureuse. J’ai enfin des amies, des êtres de confiance sur qui je peux compter. Ma vie ne sera plus uniquement de la survie, mais bien des aventures en perspective, car, après tout, je suis une magical girl maintenant. Je me demande si les autres Alice pensent la même chose que moi. En tout cas, Kurosawa se demande bien comment elle va faire pour rentrer au Japon.

« C’est vrai. C’est cool de se retrouver, mais... comment vais-je faire pour retourner aux États-Unis ? » Demande Brown.

« Et moi en Russie ? » Demande Blondinka.

« Euh ! Nous allons trouver une solution, d'une manière ou d'une autre. » Dis-je aux Alice.

« En attendant, et si vous nous faisiez visiter votre ville ? » Me demande Kurosawa.

« Quoi ? Moi ? Non, je peux pas ! »

« Pourquoi ? » Demande Brown.

« Mais si, tu peux ! ALLEZ ! » Dis Blondinka.

C’est comme ça que mon histoire, mon aventure avec les Alice dans l’étrange maison, se termine.


[Scène Bonus]

Dans un corridor de l’école Saint Andora…

« UN INSTANT ! » Crie Mélane.

« Mélane ? Pourquoi cries-tu ? Tout le monde va te regarder de travers. » Lui dit Ethel.

« Je m’en fiche ! J’ai une plainte à formuler. »

« Une plainte ? » 

« OUI ! Pourquoi ? »

« Pourquoi... pourquoi quoi ? »

« Pourquoi n’ai-je pas un plus grand rôle dans cette histoire ? »

« Une histoire ? De quoi tu parles ? »

Il semblerait que Mélane peut briser le 4e mur.

« Tout le monde va penser que je suis la méchante. C’EST TROP INJUSTE ! »

« Je ne comprends pas. »

« Que ce soit bien clair, ce n’est pas parce que j’ai dit un truc ou deux de méchant à Alice que je suis une garce ! Compris ? »

« Alice ? Quelle Alice ? »

« Vous n’avez qu’à demander à Ethel. Elle va vous le dire, que je suis une bonne personne. »

« Je ne sais pas à qui tu parles… et je crois que je vais m’en aller. »

« Oh non, Ethel, tu restes ici ! »

« Mais... »

Tout à coup, les parents de Lorange arrivent.

« Tu ne devrais pas te plaindre. » Dis Shawn. « J’ai moins de dix répliques dans toute cette histoire ! »

« Oui, mais vous, au moins, vous ne vous faites pas buter violemment dans un cauchemar ! » Réplique Mélane.

« Quand même, tu t’en sors facilement. » Dis Rayelle. « Le monde entier va penser que je suis une terrible mère, comme les méchantes belles-mères dans les contes de fées. »

« Peut-être que si tu arrêtais de toujours te mettre en colère contre Alice pour des conneries... » Commence à dire Shawn avant que sa femme crie.

« NON, NON, NON ! »

« Bon, moi, je pars. Au revoir. »

Ethel s’en va.

« NON ! Ethel, attends !!! »

Mélane part après elle.

« Il ne reste plus que nous deux. » Dis Shawn.

Rayelle ne dit rien.

« Que faisons-nous ? »

Rayelle ne dit toujours rien, et puis…

« Partons. »

« D’accord, mais... »

« J’AI DIT PARTONS, GROS CONNARD ! »

« Ok, ok, pas besoin d’hurler ! Estie de folle. »


Vous pouvez écouter la chanson thème que j’ai commandée de Martha Helen:

Plus à audiofic.jinjurly.com

La chanson.

Piste vocale.

Piste instrumentale.

Image de couverture noire

Image de couverture bleue

Image de couverture transparente

Afterword

Works inspired by this one

Please drop by the Archive and comment to let the creator know if you enjoyed their work!